Je vis à Prétention-sur-Douais
Prétentieux : Qui estime, par vanité, avoir une certaine supériorité, qui cherche à se mettre en valeur pour des qualités qu'il n'a pas.
(Source Larousse)
Suis-je
quelqu'un de prétentieux? Malheureusement je crains que oui. Par mon
essence même je suis prétentieux. J'essaie de faire mon trou dans ce
monde alors que finalement quoi qu'il arrive je suis insignifiant au
milieu de cette immensité. Le fait même de prétendre avoir une chance
d'y arriver, c'est être prétentieux, c'est ce sentir supérieur. J'ai
toujours espéré, rêvé même, cette unicité remarquable. "Moi je suis
unique et forcément je réussis mieux que les autres". Se sortir de
l'ensemble pour se sentir réellement unique. Là où intervient
réellement la prétention, c'est qu'il s'agit forcément de s'en sortir
par le haut, comme se sortir de cette "peuplade morne et monotone"
(<= termes utilisés pour caractériser cette pensée inconsciente).
C'est totalement débile comme pensée. Mais voilà, l'ambition,
l'égocentrisme et la prétention mélangés font souvent mauvais breuvage.
Et pourtant, je suis plein de contradictions à ce sujet. Comme si,
j'étais un prétentieux qui essaie de guérir. En prendre conscience
c'est déjà une étape, mais guérir... guérir pour ne plus blesser,
guérir pour connaître vraiment les personnes, guérir pour que les gens
me connaissent vraiment, guérir pour être sociable... En fait, guérir
pour moi tout simplement, pour ne plus me sentir coupable, pour
m'accepter comme je suis.
Je n'aime rien de tout ce qui
représente la prétention et pourtant je suis prétentieux. C'est assez
contradictoire n'est-il pas? Pas question de rejetter la faute sur un
possible inconscient manipulateur au possible. Je suis comme ça et je
n'aime pas. Alors existe-t-il une origine sur laquelle je pourrais me
retourner pour me justifier. Peut être en ai-je trouvée une, mais je ne
souhaite pas qu'elle me serve d'excuse. C'est cette sempiternelle
précocité intellectuelle. Je ne sais pas si le mot précocité s'applique
à moi finalement. Je n'ai pas su lire avant les autres. Ah si!! Dès la
maternelle, on m'a dit que j'écrirai mal. Sur ce point j'ai été précoce
il est vrai mais bon... J'ai toujours été un bon élève voire un très
bon élève, un putain d'intello
comme diraient d'autres... Et c'est vrai que j'avais l'esprit vif,
toujours en éveil, intéressé de tout et de rien. Alors l'école allait
trop lentement pour moi. Mais je n'ai pas sauté de classe car déjà je
ne le voulais pas (les copains avant tout) et aussi parce que passé un
certain niveau, je ne me sentais pas assez à l'aise pour rattrapper un
an en 2 mois. Le tout est qu'en 4ème, j'apprends, presque par hasard
mais de façon certaine, que je fais partie de ces 1 ou 2 % de personnes
qui ont une intelligence supérieure à la moyenne. Je m'en rends compte
maintenant, mais pour moi ça a été un tournant. Avant je me doutais un
peu, sans être sûr que j'étais un peu différent, mais maintenant
c'était certain. "Moi je suis plus intelligent que d'autres personnes
qui se vantent..." Même si pour moi l'intelligence, la vraie, ne se
mesure pas par de tels tests, il y avait un peu de vrai. Mais en aucun
cas, il ne fallait le crier. Terrible erreur de le faire. La différence
ne s'accepte pas. Alors il a fallu supporter, ne rien dire et ne
surtout pas se servir de cette argument. En fait cette nouvelle qui
peut paraître comme bonne apparaît finalement comme un poids difficile
à porter. Ceux qui ne connaissent pas peuvent avoir du mal à
comprendre. D'un jour à l'autre, on vous classe dans une autre
catégorie, on vous dit que vous avez de la chance. Jusque là tout va
bien, ça semble ne pas être faux. Et pourtant en plus de ce poids du
silence, en vient un autre, incomparablement lourd par rapport au
précédent. Vous avez une chance exceptionnel, honte à vous si vous la
gachez. En quelques mots tout est résumé. Une intelligence, ça
s'entretient. Et si vous échouiez? Et si votre intelligence si
supérieure ne servait finalement qu'à vendre des sandwichs dans un
fast-food? Cela ne serait forcément que de votre faute. Parce que votre
égoïsme vous aura empêché de vous forcer, pour les autres du moins.
Rater la voix de la réussite toute tracée alors qu'on a des facilités,
ça rend coupable. Chaque signe d'une éventuelle déviation fait peur,
inquiète. Stressés les élèves, évidemment. Les surdoués? Cent foix
plus. Condamnés à réussir, l'échec devient honteux, le mental souvent
fragile, craque. Etre surdoué présente des avantages, souvent matériels
ou en rapport avec ce point et des inconvénients, souvent psychiques
qui agissent sur des âmes souvent sensibles. Moi j'ai souffert et je
souffre encore beaucoup de cette situation. Mais j'essaie de faire face
parce que je ne suis quand même pas le plus mal lôti. De toute façon je
préfère le mérite au résultat... Une façon peut être de me sentir moins
exclus. En fait c'est paradoxal cette situation, je voudrais être comme
les autres mais sortir quand même du lot pour marquer mon unicité. J'ai
toujours voulu le beurre et l'argent du beurre. "En même temps pourquoi
pas puisque je suis en partie supérieurs aux autres". C'est peut être
cette dernière phrase que je pense en me refusant à la croire.
Tout
me tourne la tête. Je suis un peu perdu, comme si je subissais la vie
au lieu de la vivre. Peut être tout simplement par peur de mal faire ou
de faire mal... Alors oui je suis prétentieux. Je le refuse pourtant.
Je vais de paradoxes en paradoxes pour me former mon équilibre à moi.
Celui que j'aime, ma conception du bien. Pour le momen j'ai du
atteindre les 2 % du travail accompli. Je ne finirai jamais. J'espère
simplement oeuvrer dans le bon sens.
"L'amour-propre et la prétention sont les premières vertus. À leurs limites, se définit la personne." Francis PONGE